• Chrétien fondamentaliste et homophobe, Timothy Kurek a décidé de passer un an dans le milieu gay de Nashville dans le Tennessee. Cette expérience, dont il a tiré un livre, l’a rendu plus tolérant et lui a permis de raviver sa foi. Récit d’une conversion.

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    L'américain Timothy Kurek a grandi en haïssant l’homosexualité. En tant que chrétien conservateur du fin fond de la "Bible Belt" (le sud-est religieux), il avait appris qu’être gay était une abomination aux yeux de Dieu. Il fréquentait son église conservatrice, se considérait comme un soldat de Dieu et il avait rejoint les bancs de l’Université Evangélique Liberty.

    Mais lorsqu’une amie chrétienne lui a raconté comment elle avait été chassée de chez ses parents après leur avoir révélé qu’elle était lesbienne, Kurek a commencé à profondément remettre en question ses croyances et les enseignements religieux qu’il avait reçus. Aussi étonnant que cela puisse paraître, cet homme de 26 ans a alors décidé de se mettre dans la peau d’un homme gay aux Etats-Unis.

    Pendant toute une année, Kurek a vécu en tant qu’homo "infiltré" dans sa Nashville natale. Il a dit à sa famille, ainsi qu’à ses amis et aux membres de sa paroisse qu’il était gay. Seuls deux de ses copains et une tante - qui suivait de près la réaction de sa mère à la nouvelle - étaient dans le secret. Un ami à lui, un homosexuel du nom de Shawn, que Kurek décrit comme un gros nounours noir costaud, se faisait passer pour son petit ami. Kurek a trouvé un emploi dans un café gay et a rejoint une équipe de softball (variante du baseball) gay, tout en dissimulant sa véritable identité d’hétéro chrétien.

    Il a tiré de cette expérience un livre remarquable intitulé "The Cross in the Closet" (La croix dans le placard), qui s’inscrit dans la tradition d’autres ouvrages comme "Black Like Me" (Dans la peau d'un noir, Gallimard, 1962), où l’auteur, un blanc, se faisait passer pour un noir dans le Sud profond des années 1960, ou encore "Self-Made Man" (Dans la peau d'un homme, Plon 2007) de Norah Vincent, récit de l’infiltration d’une femme dans l’univers masculin. Pour me mettre dans leur peau, je devais vivre les expériences de la vie gay. Je devais faire mon coming-out devant mes amis, ma famille et le reste du monde, explique-t-il.

    Ses amis le mettent en garde contre la damnation

    Le témoignage de l’année gay de Kurek est émouvant, honnête et parfois hilarant. Il entame son année homosexuelle en tant que puritain conservateur et l’achève en réaffirmant sa foi tout en soutenant la cause gay.

    En cours de route, il perd de nombreux amis, en particulier ceux de l’Université Liberty, qui lui ont écrit des courriels après son coming out, l’invitant à se repentir de ses péchés et le mettant en garde contre la damnation. Il ne regrette pas de les avoir perdus. J’ai maintenant plein de nouveaux amis gays, se réjouit-il.

    Pourtant, son chemin a été semé d’embuches. D’emblée, Kurek a décidé de s’acclimater à la scène gay de Nashville en se rendant dans une boîte homo. Arrivé seul, il n’a pas tardé à être attiré sur la piste de danse par un homme au torse nu couvert de lotion pour bébé et de paillettes. Tandis que les deux hommes dansaient sur une chanson de Beyoncé, son partenaire a fait mine de monter Kurek comme un cheval en l’appelant "son étalon". A ce stade initial de l’aventure, c’en était trop.

    Bientôt les choses se sont améliorées. Afin d’éviter les avances, Kurek a demandé à Shawn de se faire passer pour son petit ami. Il s’est ensuite rapidement intégré au milieu gay de Nashville. Dans un bar gay, Kurek a été étonné de découvrir des chrétiens homosexuels discutant avec ferveur de leur croyance dans le créationnisme. J’ai rencontré des chrétiens homos qui étaient plus pieux que moi !, explique-t-il. Il s’est mis à militer dans une association de défense des droits des gays et a fini par participer à une manifestation devant la mission permanente du Saint-Siège auprès des Nations Unies, à New York.

    Il a refait son coming-out, cette fois-ci en tant qu’hétéro-chrétien

    Mais cette expérience a eu un prix. Afin de savoir comment sa mère avait vraiment réagi quand il lui avait annoncé qu’il était gay, Kurek a lu son journal intime. Il a découvert qu’elle y avait écrit : J’aurais préféré apprendre que j’étais atteinte d’un cancer incurable plutôt que d’avoir un fils gay. Finalement, elle s’est laissée convaincre et a changé de point de vue.

    Kurek a également vécu de l’intérieur ce que l’on éprouve quand on se fait insulter. Lui qui un jour avait traité de "pédés" des manifestants gays à l’Université Liberty, s’est retrouvé dans le camp inverse. Lors d’une séance d’entraînement de softball, un passant qui promenait ses chiens a traité Kurek et ses coéquipiers de "pédales". Il a fallu retenir Kurek pour qu’il ne se jette pas sur l’homme, puis il a éclaté en sanglots.

    L’aventure de Kurek a pris fin quand il a révélé sa vie secrète et fait de nouveau son coming out, cette fois en tant qu’hétéro chrétien. Mais l’un des aspects le plus étonnants de son expérience, c’est que loin de saper sa foi, elle l’a ravivée. Pour Kurek, son expérience ne devrait pas seulement montrer aux chrétiens conservateurs que les gays doivent jouir des mêmes droits que les autres citoyens et qu’ils peuvent être pieux ; mais elle devrait également permettre à la communauté gay de voir les évangéliques avec un oeil neuf.

    Par Olivier de Cléry.


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