• Le mariage gay était-il un rite chrétien ?

    Sur le site Jinxi Boo, "When Same-Sex Marriage Was A Christian Rite" figure un article très intéressant sur le "mariage" ou "l'union" de deux personnes de même sexe. On y apprend entre autre que l'homosexualité n'a pas toujours été punie par l'Eglise. Nous en avons fait la traduction.

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    Un musée d'art à Kiev contient une curieuse icône provenant du monastère de Sainte-Catherine sur le mont Sinaï en Israël. Elle montre deux saints chrétiens en robe. On retrouve entre eux le traditionnel "pronubus" romain, surplombant un mariage. Le pronubus est le Christ. Le couple "marié" est composé de deux hommes.

    Cette icône suggère-t-elle un "mariage" homosexuel sanctifié par le Christ lui-même ? L'idée semble choquante. Mais la réponse complète provient d'autres sources chrétiennes anciennes en lien avec les deux hommes figurant dans l'icône, Saint-Sergius et Saint-Bacchus, deux soldats romains qui furent  martyrs chrétiens. Ces deux officiers de l'armée romaine provoquèrent la colère de l'Empereur Maximien lorsqu'ils furent exposés en tant que "chrétiens cachés" en refusant d'entrer dans un temple païen. Ils furent tous deux envoyés en Syrie vers l'an 303 ap. J.-C où Bacchus serait mort par flagellation. Serge survécu à la torture, mais fut plus tard décapité. La légende dit que Bacchus serait apparu en tant qu'ange à la mort de Serge, en lui disant d'être courageux, car ils seraient bientôt réunis dans le ciel.

    Bien que l'appariement des saints, en particulier aux temps de l'Eglise chrétienne primitive, n'était pas rare, l'association de ces deux hommes était considérée comme particulièrement intime. Severus, le Patriarche d'Antioche (512 à 518 ap. J.-C) expliquait que, "nous ne devrions pas séparer dans le discours ces hommes (Serge et Bacchus( qui étaient réunis dans la vie". Ceci n'est pas un simple cas d' "adelphopoiia" (relation spirituelle entre deux personnes célébrée par un rituel religieux). À la fin du 10ème siècle, Saint-Sergius est ouvertement reconnu par la célébration comme le "compagnon doux et amoureux" de Saint-Bacchus. L'étroite relation de Serge et Bacchus a conduit plusieurs savants modernes à croire qu'ils étaient amants. Mais la preuve la plus convaincante soutenant cette thèse est que le plus ancien texte de leur martyrologe, écrit en grec du Nouveau Testament, les décrit comme "erastai" ou "amoureux". En d'autres termes, ils étaient un couple homosexuel masculin. Leur orientation et relation étaient non seulement reconnues, elles étaient pleinement acceptées et célébrées par l'Eglise chrétienne primitive, qui était beaucoup plus tolérante qu'aujourd'hui.

    Contrairement au mythe, le concept chrétien du mariage n'est pas demeuré figé depuis l'époque du Christ, mais a constamment évolué en tant que concept et rituel.

    Le professeur John Boswell, le dernier Président du département d'histoire de l'Université de Yale, a découvert dans les documents anciens de l'Eglise chrétienne qu'en plus des mentions concernant les cérémonies de mariage hétérosexuel, il y avait aussi des mentions de cérémonies appelées l' "Office de l'union de deux personnes du même sexe" (10ème et 11ème siècle)cet l' "Ordre pour unir deux hommes" (11ème et 12ème siècle).

    Ces rites de l'Eglise avaient tous les symboles d'un mariage hétérosexuel : l'ensemble de la communauté se réunissait dans une église, une bénédiction du couple devant l'autel était réalisée avec leurs mains droites jointes, les vœux sacrés étaient échangés, un prêtre officiait la prise de l'Eucharistie et une fête était célébrée par la suite. Ces éléments apparaissent tous dans les illustrations contemporaines de la Sainte Hunion de l'Empereur-Guerrier byzantin, Basile le Premier (867-886 ap. J.-C) et de son compagnon John.

    De telles unions entre deux personnes du même sexe eurent également lieu en Irlande à la fin du 12ème siècle et au début du 13ème, comme l'écrit le chroniqueur Gerald of Wales (Geraldus Cambrensis).

    L'Europe pré-moderne fournit beaucoup de détails sur certaines cérémonies de mariages homosexuels mentionnées dans les documents liturgiques de l'Eglise ancienne. Un rite grec du 13ème siècle, l' "ordre solennel pour les unions de même sexe" , évoque Saint-Serge et Saint-Bacchus, et demande à Dieu d' "accorder à ceux-ci, ses serviteurs, la grâce de s'aimer l'un et l'autre et de demeurer sans haine et ne pas être la cause de scandales tous les jours de leur vie, avec l'aide de la Sainte Mère de Dieu et de tous ses saints". La cérémonie se conclue par : "Qu'ils embrassent le Saint Evangile et qu'ils s'embrassent l'un l'autre, et cela sera conclu".

    Un autre "Office de l'union de deux personnes du même sexe" serbe slave du 14ème siècle unissant deux hommes ou deux femmes voyait le couple mettre la main droite sur l'Evangile tout en ayant un crucifix dans la main gauche. Après avoir embrassé l'Evangile, le couple devait ensuite s'embrasser, après quoi le prêtre, ayant célébré l'Eucharistie, leur donnait tous les deux la communion.

    Des récits d'union de même sexe ont été découverts dans des archives telles que celles trouvées au Vatican, à Saint-Pétersbourg, à Paris, à Istanbul et au Sinaï, couvrant des milliers d'années allant du 8ème au 18ème siècle.

    Le missionnaire et prieur dominicain Jacques Goar (1601-1653) inclut de telles cérémonies dans une collection imprimée de livres de prière grecques orthodoxes, "Euchologion Sive Rituale Graecorum Complectens Ritus Et Ordines Divinae Liturgiae" (Paris, 1667).

    Bien que l'homosexualité était techniquement illégale à la fin de l'époque romaine, les écrits homophobes ne sont pas apparus en Europe occidentale avant la fin du 14ème siècle. Même alors, des unions de même sexe consacrées par l'église continuaient d'avoir lieu.

    À Saint-Jean de Latran à Rome (traditionnellement l'église paroissiale du pape) en 1578, pas moins de treize couples de même sexe furent liés lors d'une grand-messe et avec la collaboration du clergé, "en célébrant ensemble la communion, en utilisant les mêmes écritures nuptiales, après quoi ils dormirent et mangèrent ensemble", selon un rapport contemporain. Une autre union de femme à femme est enregistrée en Dalmatie au 18ème  siècle.

    L'étude académique du Professeur Boswell est si bien documentée qu'elle pose des questions fondamentales sur les attitudes modernes envers l'homosexualité des dirigeants de l'Eglise moderne et des chrétiens hétérosexuels.

    Que l'Eglise ignore les preuves contenues dans ses propres archives serait lâche et trompeur. La preuve démontre de façon convaincante que ce que prétend l'Eglise moderne comme ayant toujours été son attitude immuable envers l'homosexualité n'est, en fait, rien de tel.

    Cela prouve que pour les deux derniers millénaires, dans les églises paroissiales et les cathédrales de l'entière chrétienté, de l'Irlande à Istanbul et même au cœur de Rome elle-même, les relations homosexuelles étaient acceptées comme des expressions valides d'un amour donné par Dieu et de l'engagement envers une autre personne, un amour qui pouvait être célébré, honoré et choyé par l'intermédiaire de l'Eucharistie et au nom et en présence de Jésus-Christ.
     
     
    Par David Chaumet

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