• Cette tribune est le témoignage d'un élu qui est confronté chaque jour, dans l'exercice de ses responsabilités, à l'injustice et à l'insécurité vécue par les enfants des 300 000 familles homoparentales.

    Tribune de Philippe Grosvalet, Président du Conseil général de Loire-Atlantique, rédigée en mars 2012 dans le cadre de la campagne présidentielle mais qui prend encore une fois tout son sens dans le débat actuel.

    grosvalet
     
    Toutes les discriminations, qu’elles soient raciales, religieuses, culturelles, liées au genre, à la sexualité, à une situation de handicap, sont des attaques contre notre République. C’est l’égalité des droits, qui a fondé notre République ; sans cette égalité, la citoyenneté n’a ni sens, ni avenir.
     
    Parmi ces discriminations, il en est une qui interroge particulièrement notre société en ce qu’elle renvoie, au delà de la notion d’égalité, à des valeurs morales et à l’un des fondement du vivre ensemble : la famille. Or le modèle dit traditionnel de la famille biologique connaît de profonds bouleversements et est sujet à une mutation lente mais ancienne et permanente.
     
    Au moment où s’invite dans la campagne présidentielle le débat sur l’ouverture du mariage pour les couples homosexuels et le droit pour tous d’adopter un enfant, je crois utile d’aborder le sujet très controversé de l’homoparentalité en mettant l’accent sur l’intérêt de l’enfant.
     
    Président de Conseil Général, j’ai la responsabilité de délivrer les agréments aux personnes qui souhaitent adopter, qui est une des compétences exercée par les Départements au titre de la protection de l’enfance. C’est au regard de cette responsabilité que je veux apporter à ce débat un éclairage concret sur l’actuelle impasse dans laquelle sont placés les couples homosexuels désireux d’adopter un enfant.
     
    S’il est possible en théorie (et en pratique en Loire-Atlantique) pour un couple homosexuel d’obtenir l’agrément d’adoption, le plus souvent cette démarche éprouvante en situation ordinaire se transforme en véritable calvaire. En effet, pour ne pas compromettre leurs chances d’obtenir un enfant au moment de l’adoption, en France comme à l’étranger, ces couples sont contraints, lors de l’enquête sociale, au mensonge et à la mystification en se faisant passer comme "personne seule".
     
    Cette hypocrisie collective, qui voit des personnes être obligées d’avancer masquées et forcées à jouer un mauvais vaudeville, met en danger leur équilibre psychologique et bien sûr celui de l’enfant à adopter.
     
    Tout comme une famille se prépare neuf mois pour accueillir un enfant, les adoptants doivent suivre une préparation psychologique assurée par les services départementaux. Les personnes homosexuelles sont ainsi obligées de faire cette démarche seules, sans le futur co-parent, qui est de fait exclu de toute cette préparation pourtant indispensable.
     
    Encore plus grave, l’enfant, qui est lui aussi accompagné psychologiquement par les services sociaux, n’est pas préparé à rejoindre un couple de parents mais bien une famille monoparentale. C’est en arrivant dans son nouveau foyer qu’il découvre son deuxième parent.
     
    Vient alors la question de l’autorité parentale. Aujourd’hui refusée au parent dit "social", sauf circonstances exceptionnelles, elle pose un grave problème pour la sécurité de l’enfant, son équilibre et la stabilité de son foyer.
     
    Qu’advient-il de ces enfants si par malheur le parent légal vient à disparaître ? Ils deviennent des orphelins des temps modernes, confiés à l’aide sociale à l’enfance, tout en ayant un père ou une mère survivant.
     
    En cas de séparation du couple, l’enfant découvre qu’il n’a en réalité qu’un seul parent et peut ainsi être condamné tout à fait légalement à ne plus jamais revoir son père ou sa mère.
     
    Comment l’enfant adopté peut-il se construire en tant que citoyen à part entière, en tant qu’adulte autonome, si notre République délégitime l’existence même de sa famille et nie l’amour que se portent ses propres parents ? Ce sont les discriminations qui font du mal à ces enfants, et non le fait d’être élevés par des personnes de même sexe !
     
    Tahar Ben Jelloun disait très justement que "la nature crée des différences et (que) la société en fait des inégalités". J’ajouterais que l’ignorance et la bêtise en font des discriminations.
     
    Parce qu’en dépit de ma fonction, mes marges de manœuvre et d’action restent limitées pour en finir avec cette discrimination, je demande qu’au nom des enfants, dans leur strict intérêt, nous fassions évoluer cette situation.
     
    Nous devons la reconnaissance et la sécurité à ces enfants et pour cela il faut que nos lois changent. Nous devons enfin reconnaître qu’un enfant, naturel ou adopté, peut être parfaitement élevé par des parents de même sexe, pourvu qu’ils soient aimants, attentifs à ses besoins et respectueux de la construction de sa personnalité.
     
    Elus du 21ème siècle, nous devons être en phase avec les changements, les progrès de notre société et donc avec les attentes de nos concitoyens. Nous ne parlons pas ici d’un effet de mode, mais bien d’une réalité française qui voit près de 100 000 enfants vivre dans une famille homoparentale !
     
    Ces enfants doivent pouvoir grandir dans la sécurité et l’affection nécessaires à leur épanouissement que procure la famille, quelle qu’en soit la forme.
     
    Il ne faut pas d’une nouvelle union civile, il ne faut pas inventer de nouvelles procédures administratives spécifiques, non, il faut ouvrir le droit au mariage, rien que le mariage, mais tout le mariage, y compris le droit à l’adoption !
     
    Philippe Grosvalet
    Président du Conseil Général de Loire-Atlantique
     
    Par Giuseppe Di Bella
     
    Source : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/politiques-citoyens/article/homoparentalite-et-si-on-pensait-122888

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